Le scénario « Les Sang-Voix » de Cats ! la Mascarade ne sort pas de nulle part. Il provient de différentes inspirations qui ont germé dans mon esprit alors que je vivais à La Réunion en 2023. Loin de moi l’idée de verser dans l’appropriation culturelle, j’aime simplement avoir une base solide pour développer mes scénarios de jeu de rôle. D’autant que derrière, cela me permet de faire un peu de médiation culturelle, souvent en lien avec des sources historiques. Voici donc les influences qui ont permis de créer ce cadre de jeu, historique, mais pas seulement !

Le marronnage à la Réunion

Les noms de la tribu de Mitile viennent directement de ceux de marons. Alors non, il n’y a pas de faute, c’est le mot créole, même si on dit marronnage. Ce sont des esclaves qui se sont enfuis et qui se sont caché dans les montagnes de l’île au XVIIIème siècle. À cette époque, elle porte d’ailleurs le nom de Bourbon, d’où la vanille Bourbon d’ailleurs (même si elle vient généralement de sa voisine Madagascar pour des raisons de coût du travail). Ces marons étaient chassés, parfois ramenés à leurs maître, mais souvent tués. Le marronnage n’est d’ailleurs pas spécifique à La Réunion, on trouve des histoires similaires à celles que je vais vous présenter sur l’île Maurice par exemple, comme dans le film Ni chaînes ni maîtres (2024) de Simon Moutaïrou avec Ibrahima Mbaye, Camille Cottin et Benoît Magimel entre autres.

Des noms pour les Sang-Voix

Le nom de « maron » vient de l’espagnol et sert à désigner des animaux domestiques qui se sont échappés, donc vous voyez bien comment ça peut se connecter aux histoires de chats errants dans les Sang-Voix. La plupart des personnages dont je vais parler ci-après ont des histoires qui tendent à devenir légendaire. Comme souvent dans ce cas, les homonymies viennent transformer plusieurs individus en un seul (coucou le roi Arthur, c’est à toi que je pense), ce qui rend le travail de l’historien assez complexe. Je vous conseille de suivre ce lien pour en savoir un peu plus sur chacun d’eux.

Chats chassés

Mitile vient de Capitaine Dimitile, qui est un des plus connus et celui qui a mis à l’abri beaucoup d’esclaves en fuite. Il y a aujourd’hui un sommet qui porte son nom dans le cirque de Cilaos au sud de l’île. Le monument ci-contre qui lui rend hommage est d’ailleurs situé dans la reconstitution de son camp qui se visite aujourd’hui sur la montagne.

Du côté de Sambo, il faut aller chercher dans l’histoire du maron Pitre dont il est un des compagnons. J’ai failli garder Pitre pour celui-là, mais le jeu de mot avec « Chat-Pitre » me semblait trop facile et ne reflétait pas l’ambiance et les enjeux du scénario qui ne se rapproche pas vraiment des éphémérides de Séverine Pineaux.

Jean-Gabriel Stedman, chasseur d’esclaves au Suriname (1798), illustration ayant servi de couverture à une biographie de François Mussard.

Enfin Zavelle vient non pas de marons mais de maronnes qui ont vécu pendant trois générations à l’ilet à Cordes, un endroit qui comme son nom l’indique n’était accessible que par des cordes suspendues sur la falaise dans le cirque de Cilaos. À l’origine, il y a même un Figaro qui devait apparaître dans le scénario (et qui le sera dans sa version papier mais qui a sauté dans l’actual play pour ne pas trop multiplier les intrigues). Lui venait d’un maron qui a trahi une révolte d’esclave. Le personnage était un traître aussi ici.

Et chiens chasseurs

Pour l’antagoniste de l’île, enfin le seul que l’actual play ait révélé, j’avais besoin d’un nom de méchant. Je me suis donc tourné vers le chasseur de marons le plus tristement célèbre de l’île de la Réunion, à savoir François Mussard, qui a donné la Mussarde, cette cheffe de meute.

Divagations d’animaux

Cette histoire de chats consanguins dans la montagne non plus ne vient pas de nulle part, notamment à l’endroit où j’ai situé le camp de Mitile. Il s’agit de la cascade de Trois Roches dans le site de Mafate, un endroit accessible uniquement à pied et par hélicoptère. Lors d’un bivouac sur place, stupeur ! Des dizaines de paires d’yeux de chat se sont pressées autour de nous, se battant pour notre poubelle. D’ordinaire en rando, on protège surtout la poubelle des sangliers, mais là ça prenait une autre tournure.

La cascade de Trois Roches qui sert de lieu d’intrigue pour Les Sang-Voix.

Et ce n’était que le début, mais cette présence en forêt d’animaux domestiques revenus à la vie sauvage donnait déjà le ton de ce qui allait être notre quotidien sur place pendant les mois qui ont suivi.  La population d’animaux errants sur place, souvent abandonnés dans la montagne, mais pas seulement car on les trouve aussi en ville sur la côte, dépasse l’entendement. Les chiffres officiels sont de 40 000 individus pour un territoire qui avoisine les Yvelines en taille et en population humaine. Parfois des associations les prennent en charge. Cependant, même dans ce cas, 90% des chiens et chats sont adoptés en métropole via des réseaux de bénévoles.

Deux solutions : extermination et adoption

Un tuit-tuit ou échenilleur de la Réunion, passereau en danger d’extinction.

Alors pourquoi ne pas les laisser là-bas ? Tout simplement car comme la Nouvelle Zélande ou l’île Maurice, il n’y avait pas de prédateurs aux oiseaux endémiques de l’île lorsque les hommes ont posé le pied dessus au XVIème siècle.

La présence de ces animaux errants pose donc un souci pour la conservation des espèces mais aussi d’un point de vue de santé publique. En Nouvelle-Zélande, les autorités se sont donc lancées dans des programmes Predator Free pour 2050, dont je me suis largement inspiré pour les enjeux des Sang-Voix. Ce sont d’ailleurs de leurs méthodes que s’inspirent à la Réunion ceux qui veulent protéger le tuit tuit, un des oiseaux les plus rares au monde.

Et en France métropolitaine alors ?

Si je vous raconte tout ça c’est parce qu’on est rentré de là-bas avec deux chats de notre côté, car on ne trouvait personne pour les adopter.  Pire encore, la veille de notre départ, on est tombé sur un chaton que les gens avaient jeté dans un récup-verre et qui était en train de cuire sur une bouteille au soleil. On a trouvé une connaissance pour le récupérer et il a depuis une belle vie, mais on voit bien qu’il y a là un vrai problème et c’était l’occasion d’aborder ce sujet dans ce scénario.

D’autant que les chats errants deviennent également un problème en métropole, dans toutes les communes. Et c’est le chat que l’ont voit principalement errer dans les villes et les campagnes par chez nous. Je profite donc de la fin de cet article pour vous inciter fortement à stériliser vos bestioles et si vous voulez un animal, à adopter dans les assos qui sont souvent débordées. Et je vous laisse avec une photo de quelques-uns de nos matous pour vous attendrir.

La louloute a un body pour éviter qu’elle touche aux points après son opération. Nous avons du faire enlever et euthanasier les 4 petits qu’elle portait faute d’adoptant et de pouvoir s’en occuper nous-même avant de la faire stériliser.

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